La région du Kef a vécu plus d’un demi siècle de marginalisation méthodique et systématique dont il conviendrait de juger, pour crimes économiques majeurs, les instigateurs et les relais. Elle n’a pas été la seule à en souffrir et en garder les stigmates. Il n’est point besoin de diagnostics d’experts pour relever les défaillances flagrantes qui maintiennent encore un cercle vicieux bloquant toute activité significative de développement socio économique et culturel. Il en faudra, par contre, pour inventorier les richesses humaines et naturelles dont regorge la région. Ou ce qu’il en reste après une hémorragie forcée qui a trop duré. Le flux migratoire qui a vidé la région de ses populations actives a privé El Kef de ses ingénieurs, médecins, intellectuels, artistes, éducateurs et bien d’autres…Les derniers à partir sont les jeunes agriculteurs pourtant si attachés à la terre et aux racines.
Quel honneur pour ceux qui sont restés, et quelle dette pour ceux qui sont partis.La révolution a été la ‘nuit du destin’ pour la Tunisie et surtout pour ses régions sinistrées. Elle peut, pourtant, en rester là : une nuit de lamentations et de vœux pieux. Elle ne pourra se transformer en une opportunité historique unique qu’à trois conditions : i) Que les revendications de portées par les jeunes de la Tunisie profonde ‘’ liberté, dignité’ soient les valeurs clefs qui rassemblent les keffois au-delà et en dépit des bruits et tintamarres de la politique nationale encore en ré-éducation. ii) Que, forte de ce qui l’unit et la rassemble, la région se prenne vigoureusement en charge et adopte la posture du travail et du dévouement, deux autres valeurs séculaires desquelles ils ont failli nous dégoûter. Il n'y a pas de régions qui ont le monopole de l'intelligence et le labeur, il y a une page d'histoire de privillèges à tourner à jamais. iii) Que, tout en répondant aux urgences et à la pression du court terme, le développement de la région soit mis en perspective d’une ambition possible; non pas pour une économie de rattrapage ou de revanche, mais pour une économie conquérante du 21ème siècle digne de la Tunisie que nous aimons tant et que nous aimerons désormais encore plus fort à travers le développement de nos régions.
Bien que devant se prendre en charge, la région a besoin de locomotives internationales qui lui donnent l’élan et l’aident à se remettre sur les rails. On y reviendra.
Pour réussir, les keffois devraient se mettre dans une logique d’exception politique. Dans tout ce qu’ils vont entreprendre, il est fondamental de concevoir la politique locale radicalement différemment de ce qui se fait à Tunis. Dans la démocratie locale, c’est l’intérêt de la population et non celui des partis ou des lobbys qui est au centre de toute décision ou action. Les keffois comprendront vite qu’ils ont à gagner à mettre en avant les objectifs du développement de leur région… et de les réaliser ensemble.
Pour le modèle de développement lui-même, il n’est point besoin d'être spécialiste pour remarquer que :
- Le seul modèle qui vaille est celui qui met le bien-être de la population - présente et à venir - au centre du processus de développement. Maintenant, pour la complexité du terrain, ce sont les experts de terrain qui statuent sur les approches. Ainsi, à titre d’exemple, le valeur du ‘travail’ doit remplacer l'idée de ‘l’emploi’ au sens limité du terme. Le travail englobe des activités humaines bien plus larges qui ne sont pas prises en compte par le modèle classique. Les services pour la collectivité, les services de proximité pour les personnes dépendantes, les activités d’animation de quartiers et de rues, de loisirs, d’éducation ouverte, d’embellissement de l’environnement de la cité…
- Le tourisme est une activité économique de service qui a trop longtemps été taillée sur mesure autour du tiercé sable-mer-soleil. Il n’a pas évolué et l’industrie touristique était en berne bien avant la révolution. L’activité touristique devrait se concevoir autour de nouveaux concepts et besoins aussi bien de la population locale que des étrangers. Nature-culture-Air pur pourrait bien aller avec des régions, paradoxalement, non encore polluées et disposant d’un patrimoine naturel et culturel encore en friche. Il serait d’autant plus porteur que les besoins des clients aussi bien du nord que du sud sont en croissance exponentielle car ces denrées se font de plus en plus rares. Ajoutons que la région pourrait se mettre en position privilégiée sur la niche du tourisme de santé et avoir, de droit, son Hôpital hospitalo-universitaire notamment dans les spécialités de médecine naturelle, cardiovasculaire ...nécessitant de longues convalescences.
- L’industrie agroalimentaire n’aurait jamais dû élire domicile ailleurs que dans les régions du NO. Il en a été autrement pour plusieurs raisons dont surtout l’absence de politique volontariste et de l’environnement matériel et immatériel propice. Cette industrie est le prolongement de l’activité de production agricole, vocation première de la région,
- La production agricole, dans laquelle les deux régimes ont confiné le NO, a subi une calamité nationale qui a duré, et dure encore, depuis plus de 50 ans. Les experts diront les raisons. Mais les agriculteurs et fils d’agriculteurs savent que l’Etat n’a pas investi un millime dans l’agriculture et a abandonné le secteur à un tête-à-tête déséquilibré avec une banque, vorace certes, mais surtout embourbée dans la corruption jusqu’au cou. Concevoir la reconversion de l’économie régionale en dehors de ce secteur serait une erreur stratégique fatale, à une époque où l’agriculture biologique - adossée à la biotechnologie en plein essor- est cotée dans les places boursières mondiales. L’investissement dans l’agriculture performante et biologique doit passer par le développement de la recherche appliquée dans les biotechnologies rouge et verte pour lesquelles la région doit être une place forte de rayonnement international.
- La région a un sol dont les richesses (solides, liquides) n’ont pas profité de campagnes d’exploration systématique et sérieuse depuis l’époque coloniale. Les technologies d’exploration d’aujourd’hui donneront presque sûrement de bonnes surprises. Il faudrait le faire d’une manière qui préserve l’environnement et l’intérêt de nos petits enfants.
- Jusque là, il s’agit de rattraper le chemin que la région a été empêchée de faire. Mais cela doit être le socle qui prépare l’avenir de la région : l’économie fondée sur le savoir. La région comme le pays, ne pourra s’en sortir vraiment que par la création de la valeur. Aussi bien dans l’économie fondée sur les ressources naturelles que dans l’économie du savoir. La haute valeur ajoutée ne pourra être générée que par la recherche et l’innovation. Une nouvelle génération de centres de recherche et d’établissements d’éducation et d’enseignement supérieur doit être implantée dans la région donnant une occasion de corriger les défaillances connues de la génération de l’indépendance; en même temps que se mettra en place à l’échelle locale et nationale un vrai Système National d’Innovation dont l’ultime objectif est de piloter la politique de développement durable.
- Les TIC devraient traverser tous les secteurs d'activités économiques de la région: agricoles, industriels ou de service. Elles seront l'un des vecteurs principaus, avec la biotechnologie, de l'essor économique de la région. Elles peuvent surtout porter la production culturelle et éducative si riche et prisée de la région ( et de la Tunisie) d'une activité exotique locale au statut d'une véritable industrie du contenu aux conséquences économiques incalculables.
- Les TIC devraient traverser tous les secteurs d'activités économiques de la région: agricoles, industriels ou de service. Elles seront l'un des vecteurs principaus, avec la biotechnologie, de l'essor économique de la région. Elles peuvent surtout porter la production culturelle et éducative si riche et prisée de la région ( et de la Tunisie) d'une activité exotique locale au statut d'une véritable industrie du contenu aux conséquences économiques incalculables.
Pour mettre la région sur les rails de la concrétisation d’une vision, il faudrait notamment:
i) Une prise en charge politique aussi bien locale que nationale soutenue par une société civile fortement impliquée,
ii) Un réseau de compétences nationales et internationales mobilisées autour du Projet de la région,
iii) Un appui budgétaire long terme (25 ans) de l’Etat pour financer les grands projets d’infrastructure participant à l’installation de l’environnement propice préalable à la transformation escomptée et à l’attraction d’activités et d’investissements majeurs dans la région.
iv) Une gouvernance moderne et transparente fondée sur l’approche projet et capitalisant sur la formation des ressources humaines de la région.
v) Une démarche systémique dans l’analyse de la situation et la conception des solutions complètes seule capable de transformer l’économie régionale avec efficience.
vi) Une coopération solidaire adossant le Projet à l’expérience et l’appui de régions développées qui seraient jumelées avec El Kef, pour conduire dans le cadre de collaboration stratégique pour implémenter l’essentiel de la vision établie et retenue. (Pays bas, Allemagne, Chine, …).
vii) La création d'un Pôle Universitaire et Entrepreneurial d'Excellence en cohérence avec les nouvelles vision et vocation de la région.
vii) La création d'un Pôle Universitaire et Entrepreneurial d'Excellence en cohérence avec les nouvelles vision et vocation de la région.
Bravo
RépondreSupprimerEn réunissant les compétences et le savoir faire des résidents & ressortissants du KEF, des pistes stratégiques pourraient être tracées, et plusieurs idées de projets devraient être cristallisées en vue de mettre en œuvre un plan de développement économique et social de la région, axé provisoirement sur la capitalisation des compétences humaines et la valorisation des richesses naturelles, en attendant l'achèvement des chantiers d'infrastructure et la réalisation de grands projets de production (publics, privés ou IDE).