dimanche 20 mars 2011

Peuples arabes, l'impossible demande juste un peu de temps!

20 Mars 2011. Le 55ème anniversaire de l'indépendance se fait discret en Tunisie.  presqu'effacé par la révolution encore assourdissante  à son 66ème jour. Elle est considérée, à juste titre et par tous, comme l'acte II de la libération nationale. Le peuple tunisien, sans crier gare, a remis à l'ordre du jour et à l'échelle planétaire, des valeurs et une terminologie qu'on croyait rangées dans les plis de l'Histoire: La révolution, les révolutionnaires, les comités populaires de protection des quartiers puis le conseil de proction de la révolution...
Il y a bien eu au Portugal, la révolution des oeillets du 25 avril 1974, puis les soulèvements des pays de l'ancien bloc soviétique qui consacraient la chute du mur de berlin en 1989 et la victoire - sans bataille - de l'occident capitaliste et ...chrétien (rappelez-vous le rôle 'subversif' de l'église et en particulier du pape polonais Jean Paul II). Certains des promoteurs du bénalisme de l'époque aimaient mettre le 'changement' tunisien de 1987 dans le sillage de ces changements planétaires qui ont secoué l'europe et le monde. La récupération n'a pas pris et la portée restait confinée aux limites d'un banal coup d'Etat sans portée stratégique. Les tunisiens avaient dû attendre ( et subir) 23 ans pour avoir leur miracle.
 Il appartiendra aux historiens d'analyser les retombées de la révolution tunisienne qui a déjà laissé des marques indélébiles sur ce nouveau millénaire.
Toutefois, nous pouvons déjà constater, comme observateurs, qu'en fait, la Tunisie était l'épicentre d'un tremblement de terre qui ne finit pas, depuis deux mois, de secouer les trônes de dictateurs d'un autre siècle. Une ceinture du feu, jusqu'ici  arabe, se dessine sous nos yeux qui prend l'allure du fil conducteur d'un thriller politique en épisodes très populaires. Des metteurs en scènes invisibles règlent les castings, arrangent les décors et imaginent les moments forts de la chute, de mains de maîtres. Tunis, Alger, le Caire, Noukchott, Sanaa, Manama, Amman, Tripoli, Rabat, Beyrout  puis Diraa. Le travelling est saisissant, les acteurs extraordinaires de vérité. Le Monde, qui nous prenait pour des passifs demeurés bons pour (mal) copier ses singeries, s'abonne au spectacle permanent, se penche sur notre cas et donne l'air de nous prendre au sérieux en nous proposant son aide. En fait, pour l'empire américain mobilisé depuis dix ans pour une seule guerre, la révolution tunisienne, et maintenant arabe, a fait une démonstration époustouflante: Voici que les peuples arabes ont réussi à abattre des régimes réputés indéboulonnables sans recourir à  Alquaida. Mieux, là où ils ont réussi, ils s'y sont essayés les mains nus, Ni la maison mère de Bora Bora ni sa franchise locale n'a été mélée ni même évoquée.  Et jusqu'à maintenant la démonstration tient la route. Eux qui ont cru aux bobards des dictateurs. Les conséquences  sur la doctrine de défense des E.U et des autres sont importantes et ne tarderont pas à se manifester. H. Clinton, en faisant le détour de Tunis le 18 mars, l'a exprimé d'une manière  presque 'mondaine'.
Le peuple  tunisien a écrit le premier Manuel de procédures et le  lexique de la révolution. du troisième type (millénaire). Celle-ci n'a pas encore fini de se déployer sous les yeux intéressés de tous: 
Incident déclencheur, ailleurs et en d'autres temps presqu'anodin et en tout cas relevant du fait divers. Vitesse de propagation de la révolte dans des villes souvent petites bourgades gonflées par la colère et la mal-vie.  Embrasement amplifié par les premiers martyrs d'un pouvoir aux abois qui retrouve ses réflexes basiques de survie. Phénomène de résonance populaire porté par Facebook et autres réseaux sociaux qui met en déroute les meilleurs généraux du dictateur. Sanctuarisation des manifestations dans un espace chargé de symboles avec des slogans percutants car venant des entrailles du peuple. Des revendications ascendantes en réponse à des concessions descendantes du dictateur dans des discours théatralisés tenant en haleine le bon peuple. Des tireurs d'élites, des 'baltajias à dos d'anes ou de chameaux (spécialité cairote), des moundassines du parti unique ou de l'intérieur devenus les symboles du régime et de ses soubresauts. Des pro-régime, bien contents des concessions obtenues, appelant à cesser les hostilités. Un dernier carré de fidèles surtout dans les médias qui continuent à donner du ' notre président-sauveur' par ci,  'ces extrémistes' par là. Une classe politique désorientée, courcircuitée, laissée sur le carreau, privée d'initiative et systématiquement en retard d'un ou deux coups. Un parti-Etat en débandade et des partis d'opposition débordés de leur gauche comme de leur droite et qui cherchent, par reflexe, à négocier avec un dictateur à terre. Puis, des jeunes, que des jeunes trop longtemps sévrés de liberté qui s'offrent au sacrifice, sentant pour une fois qu'ils ont déjà le pouvoir.
Aucun dictateur, y compris le plus futé qui a observé ses collègues tomber les uns après les autres et qui a eu, parions,  le temps d'échauder des plans B, ne pourra échapper à ce formidable cyclone révolutionnaire à la tunisienne. Aucun.  
Pour les peuples arabes, la Tunisie a montré que  l'impossible demande juste un peu de temps.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire