vendredi 4 novembre 2011

Eclairages sur le Système National d'Innovation tunisien.

Que l’entreprise soit placée sur un marché fortement concurrentiel ou sur un marché en déclin, l’option est toujours la même: innover ou disparaître. En effet, l’innovation permet à l’entreprise de préparer son futur en recherchant les produits qui prendront la succession des biens et des services qui génèrent son chiffre d’affaires actuel. La fonction RDI apparaît alors comme une fonction essentielle pour les entreprises qui veulent rester dans la course. Reste à savoir  comment mettre en place le processus d’innovation au sein de nos entreprises. La fertilisation croisée entre universités et entreprises est une des pistes à creuser. Dans l’entretien suivant, M. Bahri Rezig, Directeur Général de l’Agence Nationale de Promotion de la Recherche Scientifique (ANPR) se penche sur la question en analysant profondément l’évolution de la Recherche scientifique en Tunisie et plus particulièrement la Recherche Appliquée dont le développement est, selon lui, une nécessité absolue et un préalable incontournable pour la mise en place du Système National d'Innovation. Le lancement du Projet d’Appui au Système de Recherche et Innovation (PASRI), le 12 Octobre 2011, vient à point nommé et constitue une excellente opportunité pour renforcer notre SNI. Entretien. 

La Revue de l’Entreprise: L’innovation est une arme stratégique majeure pour assurer le développement de l’entreprise. Cependant, sa promotion dépend de celle de la Recherche scientifique et plus particulièrement la Recherche Appliquée. Où sommes-nous dans ce domaine? Comment les activités de Recherche ont-elles évolué depuis l’indépendance jusqu’à nos jours? Quelles sont les forces et les faiblesses de la Recherche Scientifique en Tunisie?

M. Bahri Rezig: En tant que structure économique, l’entreprise existe tant qu’elle produit de la valeur. Elle n’est viable que lorsqu’elle intègre l’innovation comme mode de production lui permettant de produire, via un processus fiable et reproductible, de la haute valeur ajoutée. Elle doit donc se donner les moyens pour disposer des capacités de R&DI. Certains de ces moyens sont développés en partenariat avec la recherche universitaire (notamment la Recherche Appliquée). L’histoire contemporaine de la recherche universitaire, en Tunisie, peut être contée en quatre épisodes:
􀀿 La période coloniale pendant laquelle la recherche publique était effectuée notamment dans l’agronomie et la santé et était entièrement dédiée aux besoins d’adaptation des colons aux spécificités du pays pour en sortir le meilleur et y rester le plus longtemps possible (l’INAT, l’INRAT, l’IPT, etc.).
􀀿 Un épisode qui s’étale jusqu’au début des années 90 pendant lequel l’activité de recherche était réalisée de la seule initiative des enseignants universitaires. Des équipes se sont ainsi constituées et des équipements acquis par des «patrons», en général, de leur seule initiative personnelle et grâce à leurs motivation et tempérament de Leadership dans leurs disciplines respectives. La création de l’INRST (Borj Cedria, 1983) pouvait laisser croire qu’une recherche appliquée tournée vers le développement allait voir le jour. Si la volonté y était, un contexte hostile et des difficultés administratives n’y ont pas aidé.
􀀿 Un troisième épisode débute avec la création inédite, en 1992, d’un Secrétariat d’Etat dédié à la Recherche et l’adoption, en 1996, de la loi organique donnant un statut juridique aux activités de recherche et de développement technologique universitaires. Suivra alors un réveil institutionnel qui va induire:
a) l’organisation de la recherche dans des laboratoires et des unités devenus des lieux de synergies et d’inventai-res des ressources humaines et matérielles, b) l’introduction d’une instance nationale d’évaluation des activités, des structures et des projets de recherche et c) la création d’un grand nombre de centres de recher-che thématique tournés vers la Recherche/Développement.
􀀿 Un quatrième épisode débute vers les années 2000 par la création d’écoles doctorales, de structures de transfert comme les technopôles, les pépinières d’entreprises et les programmes de R&D dédiés à la valori-sation des résultats de la recherche (VRR) et à la recherche partenariale (PNRI) sous la tutelle du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Cette décade a également vu la promulgation d’un ensemble de textes juridiques réglementant la propriété intellectuelle. Enfin, en 2008, le dispositif fût complété par la création de l’Agence Nationale de Promotion de la Recherche Scientifique (2008), première institution ayant le statut d’EPST.
Observé avec le recul, ce parcours s’inscrit dans la ligne d’une évolution naturelle d’un secteur qui a ses pesanteurs et ses coups de génie. En attendant de vraies assises nationales qui en feront le bilan, on peut tenter de résumer ses forces et ses faiblesses:
  • Du point de vue niveau et productivité, la recherche tunisienne mesurée en Décembre 2010 par Thomson Reuters, un géant de l’informa-tion scientifique, en termes d’articles scientifiques publiés dans les revues internationales, est en bonne santé et se place très favorablement dans le pool des géants de l’Afrique (l’Egypte et l’Afrique du Sud). Cette recherche n’a cessé, depuis la création de l’université tunisienne (milieu des années 60), d’assumer sa mission de formation des formateurs et hauts cadres du pays. La recherche a de même pratiqué un partenariat avec les acteurs socioéconomiques alors que, au-delà des discours, rien ne l’y obligeait, ni ne le lui reconnaissait
  • Quant aux faiblesses de la recherche appliquée, elles sont systémiques et ne peuvent être appréciées en dehors de la politique industrielle du gouvernement et même sa politique de développement. En simplifiant, nous pouvons relever les trois défaillances systémiques suivantes:
􀀿 Les pesanteurs qui engourdissent l’initiative et la créativité (barrières administratives, freins pour absence de statuts adéquats des métiers et des structures, travail collaboratif et interfacial, etc.).
􀀿 La faible implication des sciences molles (humaines, sociales, etc.) dans la R&DI (vitales pour la richesse et la diversification de l’économie et la valorisation de la recherche).
􀀿 La faible capacité stratégique des entreprises dont le corollaire est le faible niveau d’investissement privé dans la R&DI.


La Revue de l’Entreprise: Si l’on consent que le développement de la Recherche Appliquée, en Tunisie, est une nécessité absolue, comment se présente, selon vous, le schéma de ce développement tant souhaité?

M. Bahri Rezig: Le développement de la recherche appliquée dépend de l’objectif assigné au secteur de la recherche et à l’université. Si la production de la science et la technologie doit avoir des retombées économiques significatives sur le citoyen tunisien, alors tout doit être fait pour faciliter l’insertion de ce secteur dans la logique socioéconomique par le biais du système national d’innovation. La bulle universitaire doit laisser la place à une université citoyenne, ouverte et efficiente (le premier vecteur de l’innovation est le diplômé de l’université). Dans cette vision, la recherche devrait faire l’objet d’un consensus républicain, autant que tout autre question de développement qui interpelle la société et détermine son devenir. On peut donner les mots clés d’un schéma de développement de la recherche et notamment la R&DI qui recouvre, en fait, la stratégie de l’Agence Nationale de Promotion de la Recherche. Celle-ci est construite autour de trois axes systémiques:
􀀿 La professionnalisation des activités et des structures de recherche et l’installation des standards et pratiques reconnus (introduction du management moderne, des métiers de la recherche et de l’innovation aux statuts adéquats).
􀀿 L’élimination des barrières à la valorisation et le développement de solutions complètes au bénéfice de l’entreprise.
􀀿 La stimulation de la demande en Recherche/Développement/Innovation (par le milieu socioéconomique)
et l’amélioration de la cohérence de l’offre (rationalisation et optimisation des ressources de la recherche). Cela dit, un quatrième axe transversal doit être développé, en l’occurrence la préparation de l’avenir: prospective et feuilles de route dans tous les secteurs de l’économie. Par ailleurs, trois autres axes de «moyens» et de mise en oeuvre sont réalisés en soutien: a) Développement de la communication et amélioration de la lisibilité, aussi bien des ressources et capacités de la recherche que de l’entreprise; b) Création des structures et instruments adéquats, notamment d’interfaçage, de réseautage et de financement, ayant des statuts et des moyens adéquats; c) Développement des services de soutien et d’accompagnement des projets provenant soit de la valorisation des résultats, soit de la coopération nationale et internationale.


La Revue de l’Entreprise: Selon vous, comment peut-on consolider les liens entre «la chaîne centrale d’innovation» et le «champ de la science»?

M. Bahri Rezig:  Il faudrait partir de quelques idées largement admises:
􀀿 L’innovation part du marché (en tant que besoin réel ou potentiel) et revient au marché (en tant que solution compétitive). Dans le concept de l’innovation, il y a donc obligatoirement la tâche de commercialisation ou, du moins, d’exploitation.
􀀿 Le creuset naturel de la mise en oeuvre de l’innovation est l’entreprise… une chaîne ou un processus piloté par un Système dit de Management de l’Innovation. Pour simplifier, le SMI doit s’assurer, en permanence, que l’innovation est devenue un mode de production et non une procédure et des structures «en plus» ou «à côté» des autres fonctions de l’entreprise. L’idéal est que le SMI devienne le Système de Management tout court.
􀀿 Au cas où l’entreprise adopte une stratégie conquérante, elle a besoin de produire la haute, voire la très haute valeur ajoutée, et de préparer l’avenir. Il lui faudra, pour ce faire, développer un partenariat durable avec les laboratoires performants dans la spécialité.
􀀿 Un bon laboratoire accumule, au cours du temps, le savoir et les ressources dans un secteur bien choisi pour devenir un partenaire professionnel attractif pour l’entreprise. Il doit, pour ce faire, avoir une vision, un positionnement et une stratégie. Cela étant précisé, je dirais que pour consolider les liens entre l’entreprise et le laboratoire, il faudrait d’abord les accompagner pour se doter chacun des outils de partenariat nécessaires (capacité stratégique, capacité opérationnelle, structures et mécanismes d’accompagnement, d’interfaçage et d’incitation adaptés…), créer un environnement propice à l’innovation en réduisant les barrières dressées devant le partenariat et la valorisation (législatives, normatives, administratives…), former aux compétences et nouveaux métiers d’intermédiation, de marketing high tech, de réseautage, de management de brevets, etc.
􀀿 Faire piloter l’offre de recherche par la demande en créant des points de contact permanents entre l’université et le secteur (bureaux de transfert de technologie universitaires et industriels). On peut remarquer que ces dernières années, les contacts répétés entre les différentes communautés ont dégagé des motifs de satisfaction car il y a eu des initiatives des deux côtés pour collaborer, non sans difficultés. Il y a aussi des marges de progrès immenses, malheureusement freinées par des lenteurs dont le principal responsable est l’Etat qui n’arrive pas, malgré les efforts consentis et les acquis indéniables, à opérer une réforme profonde qui libère les énergies des deux côtés et montre la direction. Le 14 Janvier est aussi une date historique parce qu’elle rend ces défis possibles et même à la portée.

La Revue de l’Entreprise: Voulez-vous présenter à nos lecteurs le Système National d’Innovation (SNI) tel qu’il est conçu et mis en oeuvre en Tunisie?


M. Bahri Rezig: Le Système National d’Innovation est d’abord un système, c’est-à-dire «une construction intellectuelle ou physique formée d’éléments interactifs dont la cohérence est orientée vers un objectif ou mission à atteindre». Dans le cas d’espèce, les éléments sont des organismes (universités, centres de recherche, établissements d’enseignement et de recherche, écoles doctorales, centres techniques, technopoles et pôles de compétitivité, mais aussi des entreprises, des structures d’interface, des réseaux et des clusters), des mécanismes, des règles et des normes déployés et ayant une portée sur tout le territoire. Il est important de souligner que le système est défini surtout par ses capacités, la qualité des interactions entre ses composantes et l’objectif commun à atteindre. Sans cela, il n’est qu’une collection de composantes sans aucune efficience collective ni utilité stratégique.
En Tunisie, nous pouvons dire que nous commençons à peine à tracer les contours de notre SNI. Nous avons défini six piliers de «capacités» dont le développement aboutit à un SNI vigoureux et efficient: la capacité de Recherche et d’Innovation, la capacité en Ressources Humaines, la capacité entrepreuneuriale, la capacité de valorisation, la capacité d’absorption de la science et de la technologie et la capacité de mobilisation financière. Cette approche privilégie plus le «développement» que «l’inventaire», car le SNI est une entité complexe et dynamique qui ne s’accommode guère des bilans quantitatifs et des indicateurs simplistes. Cette vision permet, en outre, de canaliser les efforts des composantes dont ni le nombre ni la mission ne doivent être figés. Il faudrait ajouter que l’ANPR, de par son positionnement, adopte une démarche systémique en intervenant sur:
􀀿 Le système pour renforcer les synergies et interactions entre ses composantes.
􀀿 Les composantes pour renforcer leurs capacités de valorisation et de transfert.
􀀿 L’environnement pour le rendre plus propice à l’innovation et à l’investissement dans la R&DI.

 
La Revue de l’Entreprise: Que nécessite la mise en oeuvre de ce grand chantier?


M. Bahri Rezig:  Il faudrait partir de quelques idées largement admises: Le développement de la recherche appliquée dépend de l’objectif assigné au secteur de la recherche et à l’université. Si la production de la science et la technologie doit avoir des retombées économiques significatives sur le citoyen tunisien, alors tout doit être fait pour faciliter l’insertion de ce secteur dans la logique socioéconomique par le biais du système national d’innovation. La bulle universitaire doit laisser la place à une université citoyenne, ouverte et efficiente (le premier vecteur de l’innovation est le diplômé de l’université). Dans cette vision, la recherche devrait faire l’objet d’un consensus républicain, autant que toute autre question de développement qui interpelle la société et détermine son devenir. Quant aux faiblesses de la recherche appliquée, elles sont systémiques et ne peuvent être appréciées en dehors de la politique industrielle du gouvernement et même sa politique de développement. Bien entendu, le couple université/entreprise forme l’axe stratégique autour duquel le SNI sera consolidé. Toutefois, il est clair que le «retard à l’allumage» ne sera pas réparé par des actions locales ou des réformes sectorielles même profondes, voire radicales et inédites, sans s’attaquer aux défaillances systémiques. On peut en citer les plus flagrantes:
􀀿 Les pesanteurs: L’inadéquation entre les règles et les normes administratives (rôdées pour une économie de subsistance) et les exigences d’une économie moderne et conquérante, adossée à une R&DI compétitive.
􀀿 La demande technologique: La faible capacité stratégique de l’Etat, comme de l’entreprise, ne permet pas de définir les besoins, de les formuler et d’en faire une demande pouvant appeler une offre précise. Les faibles investissements en R&DI en découlent et bloquent, en particulier, l’activité de recherche partenariale.
􀀿 Les sciences molles: La disqualification de notre modèle de développement n’est pas due uniquement à la pénurie des investissements directs extérieurs ou de brevets nationaux. La faible implication des sciences humaines et sociales, au sens large du terme, (incluant toutes les disciplines non technologiques appelées aussi sciences molles) est, à la fois, une cause et un effet d’une économie globalement non compétitive. Les sciences molles, présentes dans le champ managérial de l’entreprise, contribuent d’une manière déterminante à enrichir et diversifier l’économie, à ouvrir ou façonner les marchés, préparer le terrain aux nouvelles technologies et surtout à faire de la valorisation (commercialisation) des résultats de la recherche un succès. En somme, la mise en oeuvre de ce chantier nécessite une réforme systémique prenant à bras le corps non pas tous les problèmes, mais ceux les plus flagrants et dont la résolution répare les cercles vicieux en apportant des solutions bénéfiques pour le SNI et donc, pour le développement.
 
La Revue de l’Entreprise: Comment analysez-vous les différents processus de R&DI dans les industries, en Tunisie, entre la réalité et les ambitions futures?


M. Bahri Rezig:  Le slogan que prône l’ANPR est le suivant: «L’innovation comme mode de production et le partenariat comme mode de recherche», deux éléments d’une seule et même équation, celle du SNI. C’est que la compétitivité durable ne peut qu’être le fruit d’un processus d’innovation intégré dans le management de l’entreprise, y compris et surtout le management stratégique. L’entreprise tunisienne possède une avant-garde très motivée ayant une vision et une stratégie qui lui a permis d’intégrer des pratiques et des standards internationaux de management. De l’autre côté, la recherche tunisienne possède également un premier front de laboratoires rompus aux pratiques du partenariat, notamment international. Nous partirons donc de cette réalité pour amplifier ou créer des «success stories» de partenariats durables. Nous consoliderons le reste par des actions d’appui sur mesure par l’encouragement de la mobilité des chercheurs, d’interfaçage de proximité ou de renforcement de capacités. Bref, nous avons l’ambition d’entraîner aussi bien l’entreprise que l’université dans un cercle vertueux générateur de richesses et d’emplois.

La Revue de l’Entreprise: Les étapes du processus d’Innovation/Valorisation tiennent compte du volet «Financement». Quels sont les mécanismes de financement de la Recherche et de l’Innovation en Tunisie?


M. Bahri Rezig: Une expertise récente de la question du financement de la R&DI a inventorié une quinzaine de mécanismes de financement officiellement dédiés de près ou de loin à l’innovation dans l’entreprise. De l’autre côté, des résultats moins que modestes quant au bénéfice auprès des promoteurs de projets et d’entreprises innovants. Nonobstant les barrières classiques dressées devant l’octroi et la mise en oeuvre des subventions et incitations, deux défaillances originelles sont à souligner: d’une part, ces mécanismes sont essentiellement conçus pour une politique d’encou-ragement à la mise à niveau et à l’entrepreneuriat, et d’autre part, ils ne sont pas conçus dans une approche processus et encore moins sur un processus d’innovation. Ils sont donc compartimentés aux effets individuels modestes et à l’efficience stratégique nulle. Aussi, un dispositif cohérent de financement de l’innovation entreprenante doit-il être mis en place. Le processus d’innovation doit être démonté dans sa complexité et ses besoins identifiés, et des solutions de financement adaptées doivent être trouvées. La segmentation de ces besoins conduit à des produits finan-ciers mieux adaptés. Les besoins liés à l’incubation des projets innovants (prototypage, validation, lancement et protection) ne sont pas bien couverts par l’Etat. Ils correspondent à la phase d’après amorçage et constituent une vraie barrière à la valorisation des résultats de la recherche. Pour le reste, montage de projets, des capacités d’expertise pointue sont à développer pour aider les SICAR à évaluer les risques d’investissement liés aux technologies nouvelles. Une refonte de ces mécanismes est fort attendue. Ces derniers devraient être aussi souples qu’efficaces, mais surtout étroitement liés aux paradigmes du Système National d’Innovation en émergence.

N° 115 SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011

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