I. Préambule :
Beaucoup de problèmes dont a souffert l’université tunisienne proviennent de choix et de décisions non partagées par les universitaires. Beaucoup des textes juridiques qui plombent l’université sont élaborés loin du corps des enseignants chercheurs et des étudiants ou de leurs représentants. Ces constats ne sont pas du tout des slogans démagogiques ou des excuses pour justifier l’effondrement du système universitaire tunisien.
Il est évident que l’engagement de l’élite du pays à la formation des ressources humaines stratégiques est organiquement lié à la manière avec laquelle elle est considérée et surtout associée . Le manque d’adhésion observé ces dernières années reflète l’absurdité de la gestion des affaires scientifiques et pédagogiques où l’autorité de l’administration et surtout du politique a été exagérément amplifiée au détriment de l’autorité des maitres de la maison.
Nous avons vieilli et donné notre vie pour éviter que le toit ne s’effondre. Il est venu ‘’L’instant historique tant attendu’’ par tous le patriotes qui ont mis la main à la pâte. Pour leur pays.
Dans une étape transitoire, il faudrait éviter certains écueils qui, à mon point de vue, pourraient faire rater l’occasion de redresser la situation. Ne disait-on pas que ce redressement nécessitait une révolution ? Eh Bien, elle là. Soyons à la hauteur.
II. Rapide état des lieux :
1. C’est le propre des dictatures, la gestion des affaires universitaires a été progressivement réduite, pour l’essentiel, dans les mains du ‘’MINISTRE de L’UNIVERSITE’’ et d’une manière à la limite de l’absurde.
2. Le manque d’adhésion du corps enseignant n’est que le résultat de cette politique aveugle, irresponsable et stupide,
3. La gestion des structures universitaires a été ramenée exclusivement aux aptitudes personnelles ce qui l’a rendu précaire et aléatoire.
4. La hiérarchisation académique (en collège A ou B) est devenue un repoussoir parce qu’elle a été instrumentalisée au profit d’un pouvoir exorbitant d’un corps sans être pour autant justifiée ou ‘adoucie’ par l’obligation d’encadrement de jeunes enseignants qui débutent le métier sans aucun accompagnement ni conseil, ou de défense de valeurs morales traditionnellement liées à la vie académique.
5. Les contre-pouvoirs étaient bien sûr absents. Ni conseils scientifiques délibératoires, ni représentants d’élèves porte-voix efficaces, ni représentation de contribuables ou de parents ou de milieux socioéconomiques. Ces derniers y étaient un peu perdus dans certaines institutions et pour la forme.
6. Aucune relation logique entre les besoins de l’université et les moyens qu’on lui accordait. Rien n’est demandé au recteur à sa nomination à part l’obéissance aux injonctions de son ministre. A des exceptions près, pas de vision, pas de programme d’action, pas de bilan…
7. Les jeunes institutions créées sans rien, restent sans rien pendant plusieurs mandats avec un surnombre d’étudiants et un déficit d’enseignants connus par tous. C’est souvent un jeune enseignant ‘kamikaze’ qui accepte d’en prendre le commandement. Un de ces jeunes qui l’a fait à Siliana a eu un accident cérébral. D’autres se sont sacrifiés dans l’anonymat. Il faut s’en rappeler. C’est le tribu de notre université pour éviter l’effondrement.
8. Les programmes liés à la qualité et les évaluations internes et externes introduits, de bonne foi, dans nos institutions butaient sur un mur (de lamentation): ON NE PEUT PAS le faire sérieusement tant que l’institution ne ‘’maitrise pas ses processus’’ : avoir un processus démocratique et transparent de prise de décision, maitriser ses ressources, avoir un mot à dire sur ses inputs enseignants et étudiants et pouvoir budgétiser ses programmes et dépenser selon un système de contrôle à postériori basé sur la confiance.
III. Un régime de transition :
1. Il faudrait une étape transitoire (le temps d’un mandat) qui prépare le régime de croisière de l’université. Loin de faire perdre du temps, cette étape va permettre de définir, démocratiquement, les bases, les règles et les acteurs majeurs d’une réflexion profonde sur ‘’la professionnalisation de la gouvernance de l’université et son insertion dans la société’’. Sans cela, on risque de ''rater la révolution universitaire’’.
2. En régime transitoire, il y aurait un ‘’diagnostic général approfondi de l’université tunisienne’’ qui pourrait prendre une année. Les assises seraient une clôture et non un lieu de débat approfondi.
3. En régime transitoire, on pourrait aussi jeter les bases d’un système de gouvernance expérimental qui pourrait être confirmé ou modifié lors du régime de croisière.
IV. Quelques pistes de réflexion :
Qui ne le sait, le système universitaire tunisien est archaïque. Les universitaires sont parfaitement capables de mettre la gouvernance au diapason de celle des universités avec lesquelles ils sont en contact permanent. La modernisation devrait tenir compte :
- Du nouveau paradigme démocratique et de ses corollaires,
- De nouveaux statuts des structures, des enseignants et des étudiants à mettre en place et dans lesquels : Les structures sont obligatoirement au service des enseignants et des étudiants. Les enseignants sont au service des étudiants et de la société. Il faudrait en mettre le prix.
- De la prépondérance des équipes de management des affaires universitaires sur les personnes quel qu’en soient les compétences.
A ce propos, le Top Management, emprunté à la terminologie de l’entreprise, désigne les ressources humaines stratégiques de l’entreprise qui dirigent des opérations ou des structures. Bien sûr, elles ne sont pas élues mais désignées selon des critères de performances et de leadership. Dans l’entreprise, le déficit démocratique est occulté par ‘’le résultat’’ et la performance qui sont ses raisons d’être. A l’université, nous pouvons utiliser ce terme pour signifier la même chose : ceux qui dirigeront les structures d’administration des affaires universitaires qui concernent directement les activités d’enseignement, de recherche et on pourrait ajouter de ''services pour la collectivité'' (ouverture sur l’environnement culturel et socioéconomique). Cette activité devant être discutée dans le cadre des nouveaux statuts. Toutefois, il y va sans dire que le Top Management universitaire est non seulement élu mais a une obligation de résultats.
On pourrait proposer un système similaire ou proche à ceux qui existent ailleurs et est adoptés dans un environnement démocratique.
- Par quoi commencer, TOP DOWN ou Down-Top?
Cela dépend des objectifs de l’étape et du mode électoral : suffrage universel : vote direct du corps électoral ou suffrage restreint aux grands électeurs (conseils des représentants ou des directeurs et doyens). Dans l’étape transitoire, on cherchera le système simple, représentatif et surtout consensuel (par exemple, adopter le système négocié entre le MESRS et les syndicats) et qui sera objet de révision jusqu'à adoption 'définitive'.
Il nous est offert l’opportunité de changer pour le bien de notre université et ce changement va coûter mais rapportera gros. Il va coûter à l’administration et aux syndicats de concéder un peu de leurs pouvoirs ou prérogatives au bénéfice de notre Tunisie. Il faudrait en être conscient. Quelque soit le mode électoral et quelque soit la fonction à laquelle on se présente, il est proposé que :
1. Un candidat se présente avec un projet ou un programme d’actions fondé sur une vision et un diagnostic qui montrent qu’il connait la maison ou les méandres de la fonction à laquelle il se présente,
2. Il est fortement recommandé pour les hautes fonctions comme pour les plus petites de s’entourer d’un collaborateur avec qui il partage la vision. Le ticket ainsi constitué s’engage, une fois élu, de s'engager conjointement à la réalisation du programme. Cette équipe est la garantie qu’il se formera un vivier de responsables expérimentés pour nos structures universitaires que l’alternance démocratique lui donnera richesse et diversité. Il n’y aura plus de despotisme ni d’exaction volontaire si la possibilité d’être un jour minoritaire et de s’en aller se profile réellement à l’horizon. Ce minimum exigé, le ‘’Ticket, couvre à peu près le couple rarement d'affinité et encore plus rarement ayant la même vision, Doyen/Directeur-Directeur des études’’. La majorité des couples n'ont pas bien fonctionné car se sont des couples forcés. Il y a lieu, à propos, d’éliminer cette dichotomie directeur/doyen. Ils seront tous des doyens ou vice-doyens élus.
3. Les conseils doivent être délibératifs. Ils seront élus par la base.
4. Les représentants du milieu socioprofessionnel ont des avis délibératifs sur le budget alimenté pzr les ressources propres de l'université ou de l'institution,
5. Le conseil de l’université, de l’institution ou du département peut entendre les candidats au poste sur la base de programme déjà diffusé dans ses grandes lignes à la communauté concernée. Le conseil classera les candidats et proposera à la tutelle qui valide. L’élection tient compte du caractère réaliste du programme et l’adéquation entre moyens et objectifs, ce qui suppose une transparence de la gestion du budget d’une part et une proximité des candidats par rapport aux affaires de l’université ou de la structure d’autre part. Ainsi, les candidats ‘’parachutés’’ ne seront pas les bienvenus.
6. Préparer à l’avance et donner du temps raisonnable à la campagne électorale qui doit s’accompagner de débats sur les programmes des candidats.
La distinction entre les collèges est une réalité, différemment exprimée, dans toutes les universités du monde. Elle ne pose pas un problème en tant que telle dans la mesure où dans tous les métiers il doit y avoir une évolution plus ou moins distinctive dans la carrière. Les problèmes sont ailleurs :
1. La révision des statuts devrait faire de cette différentiation une vraie cartographie des droits et des obligations: notamment obligation des séniors à accompagner, former, aider et passer le relais aux plus jeunes dans le métier. L’effondrement de notre université est dû en grande partie à l’implosion de cette structuration professionnelle interne. Un débat nécessaire. Il était absurde, par exemple, d’avoir deux syndicats différents alors qu’il y avait une communauté d’intérêts socioprofessionnels évidente.
2. La priorité des corps (A) en matière de candidature aux fonctions sera battue en brèche par la rareté de ce corps dans certaines institutions notamment de l’intérieur. Là, on est tout juste content de trouver un maitre assistant dévoué et résident qui doit être préféré à un corps A qui dirige à distance sacrifiant ainsi, avec la complicité de l’administration, les intérêts de l’institution.
3. A terme, lorsque les obligations des uns et des autres seraient rétablis, les jeunes seront si contents de trouver un Maitre, un vrai, qui leur prend la main, et sans attendre des bonus ou autres privilèges anti-démocratiques.
4. Ne pas oublier que :
1. La représentation des étudiants est actuellement insignifiante. Son renforcement doit être exigé par les enseignants. Parce qu’ils sont les pupilles de nos yeux et les partenaires tant marginalisés y compris par les enseignants nous mêmes.
2. le processus de formation et de recherche sera performant grâce, aussi, au personnel de support technique et administratif. Ils doivent avoir droit au chapitre…démocratique.
3. En régime de croisière, un décalage bien étudié de l'agenda électoral entre les différents niveaux des fonctions, devrait exister afin que le Top Management de l’université ne change pas de fond en comble le même mois.
17 04 2011
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